Felix X/1/778 C Mus

Lettre ms HL au Père Jésuite

Bruxelles ce 1^er X^bre 1857

Mon Réverend Père!

J’ai l’avantage de vous informer que l’orgue d’Amiens est en ce moment sur les frontières, il y a 8 jours passé j’ai écrit au R : P : Recteur d’Amiens pour lui annoncer l’arrivée de son orgue, et je lui ai fait part en même temps des affaires de S^te Gudule.
Permettez-moi de vous entretenir un moment de cette importante affaire de S^te Gudule, la commission en question a été visité les ateliers d’un de mes concurrents à Bruxelles, qui a promis à M^r Fétis 30,000 francs dans le cas qu’on lui accordera la construction du nouvel orgue de S^te Gudule. Le secrétaire de la commission m’avait écrit que Mercredi passé 25 9^bre la commission se serait présentée chez moi pour visiter mes ateliers, mais au lieu de la recevoir chez moi j’ai reçu une lettre du secrétaire que la commission ne pouvait pas venir au jour fixer chez moi vu que M^r Fétis était indisposé. J’ai de suite écrit une lettre au Président de la commission qui est un haut fonctionnaire très considéré, et qui devra prononcer la décision, et je l’ai invité avec le professeur de l’école

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d’orgue du Convervatoire à Bruxelles, aussi membre de la commission, pour venir voir l’orgue d’Amiens, comme le président m’a toujours montré le plus grand dévouement, il est venu chez moi le même jour à mon invitation, et après m’avoir témoigné sa pleine satisfaction de la puissance et de la douceur, des jeux de fonds, et de la brillante harmonie des jeux d’anches, il m’a fait encore un compliment tout spécial sur la Voix Céleste, en disant que ce sont des voix d’anges transportées sur les nuages, et le professeur m’a dit que M^r Fétis aura probablement appris que cet orgue était placé dans mon atelier, et que pour cette raison il se dit malade, et immédiatement après la visite du président nous avons démonté et emballé l’orgue et je l’ai expédié Samedi dernier.

Permettez-moi mon révérend Père de vous faire encore un petit récit, d’une affaire qui s’est passé[e] quelques jours avant la visite que j’ai eu[e] du Président. Je crois vous avoir dit, que j’ai construit dans le vie[i]l orgue de S^te Gudule, il y à 15 ans, plusieurs jeux gigantesques, entre autre, une Bombarde 32 pieds qui a fait ma première recommandation à feu le R. P. Lambillotte, et qui a parlé pour moi jusqu’à dans le nouveau monde, et comme il est venu à ma

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connaissance il y a quelques semaines que le facteur qui a promis cette petite remise de 30,000 francs à M^r Fétis, a présenté un plan d’orgue pour l’Église de S^te Gudule qu’il veut exécuter pour la somme de 150,000 francs, mais à la condition qu’il pourra se servir de la Bombarde de 32 pieds qui se trouve actuellement dans l’orgue de S^te Gudule, dans son nouveau plan. Il y a 3 semaines il y a eu une grande discussion dans l’assemblée de la commission quand le Président et plusieurs autres membres de la commission disaient à M^r Fétis que ce formidable jeu était mon œuvre; M^r Fétis a voulu absolument soutenir que ce jeu existait dans l’orgue de S^te Gudule bien longtemps avant que j’étais venu au monde, et il a voulu persuadé ces messieurs de cela avec la plus grande énergie. Le lendemain cette méchanceté de Fétis est venue à ma connaissance, et j’ai envoyé de suite au président de la commission le procès-verbal signé par le Doyen de S^te Gudule, du bourguemestre et du président [et des] membres du conseil de fabrique de l’Église de S^te Gudule et dans ce document figure entre autre que je suis l’auteur de la bombarde de 32 pieds, et j’ai accompagné ce document d’une lettre cathégoriquement écrite, dans laquelle j’ai donné un abrégé de ma biographie; et chose tout à fait hors de mon attente cette lettre que j’avais écrite en confiance au président, mon ami, a eu la franchise d'en faire

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la lecture en présence de toute l’assemblé de la commission, M^r Fétis n’a rien entendu de tout cela
car aussitôt qu’il a vu paraitre ce document de l’orgue de S^te Gudule dans l’assemblée, il a quitté sa place et il n’est plus reparu, c’est depuis ce jour que tout le clergé de la ville de Bruxelles ainsi que tous les notables déclarent publiquement que l’orgue de S^te Gudule ne peut être confié à personne qu’a moi.
Enfin Mon Révèrend Père je n’ai rien à craindre de Fétis, il est connu ici de tout le monde pour ce qu’il vaut, et j’ai le plus grand espoir que cette affaire tournera  en toute justice en ma faveur.

Dans les premiers jours de la semaine prochaine je vais me rendre à Amiens, j’espère que mes ouvriers auront finis à mon arrivée à monter toute la partie mécanique de l’orgue, car je désire vivement de faire bien vite parler quelques beaux jeux de l’orgue pour moi pour défâcher les Pères d’Amiens contre moi, et je vais demander pour travailler nuit et jour à la pose de cet instrument, et je ne doute aucunement ou le Père Recteur d’Amiens obtiendra la permission de votre Supérieure pour vous faire venir à Amiens pour examiner cet instrument auquel je n’ai rien épargné, et j’espère quand vous aurez examiné ce bel instrument que vous ne serez plus fâché contre moi que bien au contraire, vous serez obligé de dire que vous êtes pleinement convaincu par l’orgue d’Amiens que le  respect que je vous porte n’a pas de limite.
Je suis Mon Révèrend Père votre respectueux Serviteur
                                                               h: Loret